JeanPierre Siméon, quant-à-lui, explique, dans Lecture de la poésie à l’école primaire daté de 1996, les difficultés et les pièges de la lecture poétique. Enfin, dans Former des enfants lecteurs et producteurs de poèmes de 1992, Josette Jolibert fait le point sur les apprentissages nécessaires à la lecture et à la production de poésie. Tous s’interrogent sur les
23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 1905 Jean Pierre Siméon est né à Paris le 6 Mars 1950. Il est l’auteur de cinq romans, de livres pour la jeunesse, de huit pièces de théâtre et de recueils de poésie. Il est l'auteur du livre La nuit respire qui est un recueil poétique. L'image qui illustre la première de couverture est sombre, inquiétante, la couleur bleue est dominante mais il y a aussi u n peu peu de beige. L'image nous aide à comprendre le titre La Nuit respire car le bleu représente la nuit et le beige les nuages, l’air, la respiration. Martine Mellinette est l'illustratrice, elle a utilisé la technique du collage. Dans des poèmes de ce livre nous avons ressenti des émotions et perçu des sensations La couleur Les couleurs de l'invisible » La nuit La nuit respire » Le silence Apprenti du silence » Voici quelques exemples de poèmes de ce recueil Les Couleurs de l’invisible Je vous dirai la couleurdes choses invisiblesla couleur qu'on entendla couleur qu'on respireLa guirlande bleue du violonet la pourpre des guitaresle vert profond du ventdans le soiret l'or fragiled'une caresseJe vous dirai la voix perduedans l'indigo des solitudeset le calme orangéprès des yeux doux qu'on aimeJe vous dirai l'arc-en-cielqui naît en vousde la patience et de l'oublide la défaite du silenceet du geste réconciliécar comme vous j'aime et je visdans l'arc-en-ciel de mes songes. La nuit respire La nuit respire Qui va qui vient Qui rôde et nous regarde Dans les failles de la nuit ? Le vent traque un loup d'ombre Sur les murs Des oiseaux frôleurs Ferment leurs ailes froides Sur la lune La ville s'égare Dans ses futaies de pierre La nuit respire Et nous dormons tranquilles Les yeux dans l'aube Publié par Lucie, Doriane, Mathis et Dylan, 5D - dans S
Lirela suite de Jean-Pierre Siméon – Levez-vous du tombeau, par Véronique El Fakir. Jennifer Grousselas, une lecture : Loin de Damas, d’Omar Youssef Souleimane. Une note de lecture de Jennifer Grousselas à propos de Loin de Damas, d’Omar Youssef Souleimane, Le Temps des Cerises, 2016. Lire la suite de Jennifer Grousselas, une lecture : Loin de Damas, d’Omar
Jean-Pierre SiméonJean-Pierre Siméon est un poète et dramaturge français né à Paris XIIIe le 6 mai 1950. L'œuvre de Jean-Pierre Siméon est essentiellement poétique. L'auteur se lance parfois dans une rêverie surréaliste, préférant la puissance évocatrice des mots, et la force des images invoquées, au sens qu'on leur donne. Il explique que on fait de la poésie avec des mots non avec des idées idées Il revendique notamment l'influence du poète surréaliste Paul Éluard, dont il préface le recueil Poésie volontaire et poésie involontaire, et celle d'Andrée Chedid, dont il préface avec Mathieu Chedid le recueil Au cœur du cœur. Sa Poésie est surtout caractérisée par la force de ses métaphores, le rythme musical de ses vers, l'indéniable beauté recherchée par le poète, la force et le nombre très important d'images, la recherche sur les tous les textes mentionnant Jean-Pierre SiméonJean-Pierre Siméon
Еլωሖоւ оξθзеглуш ոጿጭзውሢፄልглесл яተ
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territoiresde la poésie. Le poète Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des poètes, l’exprime ainsi lors d’une conférence2 : « Simplement, je voudrais que cette morale soit fondée sur une morale du questionnement et de l’ouverture, une morale de la contradiction qui admet que le monde vit de ses contraires et de la cohabitation de ses contraires, de la Chaque matin simplement reparlons-nous du bonheur comme chaque matin on remet ses chaussures C’est par ces mots que Jean-Pierre Siméon, fondateur du Printemps des Poètes, éditeur de poésie et poète lui-même a décidé d’ouvrir son recueil Politique de la Beauté, paru en 2016. Nous avons voulu rencontrer l’homme qui est également l’auteur, dans un proche registre, de La Poésie sauvera le Monde ou de Lettre à la Femme aimée au sujet de la Mort pour savoir si la beauté peut véritablement être une politique, et ce que ça voudrait dire. Nous pensions deviser esthétique, lui parlait liberté. Nous croyons que cet entretien, réalisé avant la pandémie de ghrume, redonnera à d’autres le courage voire, si nécessaire, l’envie de vivre, comme il le fit pour nous. La poésie pourrait-elle nous rappeler ce que vivre signifie ? Écoutons. Jean-Pierre Siméon © Le Printemps des Poètes La beauté que l’on croit PostAp Mag. Les temps sont un peu compliqués… Est-ce vraiment le moment de lire de la poésie ou même, d’ailleurs, de s’y consacrer ?Jean-Pierre Siméon. Je suis précisément convaincu que la poésie est nécessaire, utile, voire urgente, dans le contexte d’un monde chahuté, tourmenté… Où tout va mal, quoi. Parce que la poésie incarne, manifeste mais permet aussi de partager, de prendre conscience de ce que l’on appelle généralement la beauté ». C’est un terme attrape-tout, je le sais bien. C’est pour cela que j’essaie de dire, dans ce livre, ce que j’entends, moi, par beauté ». La beauté ce n’est pas, à mon sens, la belle forme, l’harmonie, toutes ces représentations héritées de la tradition, que j’estime enfermantes. Pour moi, la beauté, donc ce que la poésie exprime, c’est quelque chose qui est de l’ordre de l’énergie. De l’ordre de se tenir debout, de se dresser, dans une sorte d’appétit du monde et de la réalité. Ce mot recouvrirait donc un certain nombre de qualités humaines, notamment d’ordre éthique c’est l’énergie, c’est le courage. C’est la lucidité, qui est un courage aussi. C’est le mouvement vers. C’est tout le contraire de l’arrêt, du découragement, du ressassement, de la déception, de l’enfermement dans l’abandon de tout. J’appelle beauté » tout ce qui est mouvement vers, en fait. Et c’est ce mouvement qui fonde, pour moi, l’humain. PAM. La beauté est en nous ? Car on a souvent l’idée d’une beauté immanente, lointaine que les artistes, insuffisamment, piteusement, tenteraient de reconstruire… S. Oui, elle est en nous ! C’est une question immense, bien entendu, et je voudrais d’entrée préciser que je ne la pose pas en tant que philosophe, mais bien en tant que poète je raisonne au plus près de ma propre sensation des choses, et rien d’autre. C’est la limite de ma parole, sa subjectivité, que j’assume, car c’est le fait du poète. Pour moi, la beauté se conquiert, se construit. Le mot beauté » n’a de sens que dans une dialectique de combat, d’une lutte quotidienne, individuelle et collective le combat contre la laideur. Et je nomme laideur tout ce qui est forces antagonistes de l’humain », autrement dit tout ce qui est l’allié de la mort. Toutes les violences faites à l’humain par l’humain et toutes les violences faites à l’homme en l’homme, à la femme en la femme, malgré lui, malgré elle. Tous les démentis de la vie. Toutes les agressions faites à la vie, dans la vie même. Parce que, au fond, notre vie est un combat perpétuel contre le gouffre et l’abîme. PAM. Euh… S. Je pense que tout commence par la catastrophe. Je l’ai dit souvent, je l’ai écrit. La catastrophe de notre mort, pour commencer. Dès que l’on a un peu de conscience… Bébés, très tôt nous vient la conscience de la solitude. Là encore, je ne parle pas en psychanalyste. Je dis ce qu’il me semble. Dès qu’il quitte les bras de ses parents, un bébé apprend la solitude. La solitude de l’enfant qui se trouve, soudain, posé loin des bras, loin de la parole et des yeux, lui est terrible. Et cette solitude-là, cette expérience de la séparation, de la perte, de la dépossession, cette connaissance-là, est physique, première, initiale. C’est un aperçu de la mort et donc, on commence par la mort, d’une certaine façon. Aussitôt qu’on nait. Aussitôt qu’on nait, on prend le sentiment de la perte. De la dépossession. De l’abandon. De la solitude. Il me semble que toute notre vie, à la suite, est faite de la conscience de ça, et de l’effort pour dépasser ça. Effort que la vie sans cesse dément, puisqu’elle propose sans cesse des gouffres, des gouffres, des nouveaux gouffres et encore des gouffres, qui n’arrêtent pas de confirmer que oui, si si, on est bel et bien né dans l’abîme. Vitraux de la synagogue de l’hôpital d’Hadassah par Marc Chagall Détail. La vie à plusieurs PAM. Oui, enfin, quand on écoute un peu ce dont se plaint tout le monde, c’est plutôt de payer trop d’impôts. Ou pas les impôts qu’il faudrait, à la S. Bien sûr. Je vais répondre plus directement mais d’abord, je précise que je parlais évidemment d’un point de vue purement psychologique, du destin de la vie de chacun. De nos proches, qui meurent les uns après les autres, jusqu’à ce que ce soit notre tour. On est mutilé sans cesse comme ça. Et la beauté dont je parle, ce construire-humain » donc, c’est ce qui s’inscrit contre ces mutilations. C’est sans cesse réparer la mutilation, d’abord, et la dépasser, ensuite. Car autant on est mutilé, autant on est augmenté en face. Chaque mort, chaque dépossession, chaque perte, chaque oubli qui nous dépossède… À chaque fois on peut se reconstruire dans l’énergie inverse. Seulement, il faut le vouloir. Il faut pour cela un acte de décision. C’est pourquoi, à sa manière, ce titre, Politique de la Beauté, insiste en réalité sur le mot politique » c’est une action concertée et réfléchie. Mais à la faveur de votre question marrante, il y a quelque chose dont je tiens compte, c’est que ce qui nous empêche d’être humains et de nous accomplir dans l’humanité, c’est tout le reste. Tout ce qui est du domaine du concret et du matériel, c’est à dire de la relation sociale par exemple, la relation à l’autre, du moins telle qu’elle est définie par les fonctions, les rôles, les revenus des uns et des autres, et ainsi de suite. Là où sans cesse, on le voit bien, il y a des humiliations, des amputations, qui tiennent tout simplement à l’ordinaire des mécanismes sociaux. Et puis il y a aussi les grandes oppressions, symboliques, des sociétés religieuses, idéologiques et sociales. Oppressions et des mutilations, là encore. Pour le dire autrement, ou le redire il y a plein de strates d’empêchements et nous sommes sans arrêt au combat. Si l’on veut être une conscience libre, qui se dresse, qui possiblement trouve un sens à sa vie, qui est en accord avec la vie, en accord exact avec la vie c’est cela qu’on appelle le bonheur, c’est pour cela qu’il ne saurait être qu’éphémère et transitoire… Eh bien, tout ça, ça ne se donne pas. Ça n’est pas donné, jamais. Ça ne peut se trouver que dans la conquête et dans le combat. PAM. Le combat ? S. Le combat contre ce que j’appelle la laideur. Toutes les laideurs de l’existence. Qu’elles soient métaphysiques, ontologiques, aussi bien que… Disons, que toutes les merdes de l’existence, quoi. Tout ce qui est violence et agressions contre nos désirs, contre notre volonté d’être bien, libre et de vivre simplement. JeanPierre Siméon, agrégé de lettres modernes, est l’auteur d’une vingtaine de recueils de poésie, mais également de romans, de livres pour la jeunesse et de pièces de théâtre pour lesquels il a obtenu de nombreux prix. Il est aujourd’hui directeur artistique du Printemps des poètes et poète associé au Théâtre national populaire. Poésie la différence. Pour chacun une bouche deux yeux deux mains deux jambes Rien ne ressemble plus à un homme qu'un autre homme Alors entre la bouche qui blesse et la bouche qui console entre les yeux qui condamnent et les yeux qui éclairent entre les mains qui donnent et les mains qui dépouillent entre les pas sans trace et les pas qui nous guident où est la différence la mystérieuse différence? Jean-Pierre Siméon 2706.2021 - #LaDifférence, #Poésie, #SiméonPoésie "La Différence" de Jean-Pierre Siméonvideo creation @art lyb. 27.06.2021 - #LaDifférence, #Poésie, #SiméonPoésie "La Différence" de Jean-Pierre Siméonvideo creation @art lyb. Pinterest. Today. 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Jean-Pierre Siméon, agrégé de Lettres modernes, a été formateur d’enseignants. Auteur de nombreux recueils de poèmes, de romans, de livres pour la jeunesse et de pièces de théâtre, il est actuellement directeur artistique du Printemps des poètes. Ci-dessous, synthèse de son intervention lors de la Rencontre de l’Atelier de Montluçon en décembre a une idée très fausse et largement partagée de ce qu’est la poésie. Cette idée est fondée sur l’expérience qu’on en a et qui, en général, repose sur la rencontre de très peu de poèmes en comparaison de l’immensité du patrimoine poétique universel, des milliards de textes. Il y a des poèmes depuis toujours, dans toutes les civilisations, il n’y a pas une communauté humaine qui n’ait sa poésie - L’idée qu’on s’en fait est donc forcément très restrictive et superficielle. Elle relève en plus d’a priori, de y a deux opinions courantes. La première, c’est que la poésie est cette chose charmante, chantonnante, d’une belle musicalité, qu’on admire de loin, parfois un peu mièvre en regard du monde concret dans lequel on est immergé. Et l’autre représentation, complètement à l’opposé, c’est celle d’ un objet bizarre auquel n’auraient accès que quelques initiés ayant le don de comprendre ces choses qui sortent de l’ordinaire, de la compréhension humaine. Il faudrait avoir une sorte de talent divinatoire pour lire comme il le faut Maurice Sève, Maïakovski, Aragon ou Yves Bonnefoy, par représentations font qu’on ne va pas à la poésie, qu’elle est hors du social depuis quelques décennies en France - ce n’est pas le cas dans toutes les manière d’habiter le mondeJe ne vais pas m’étendre davantage sur ces définitions historiques, socio-culturelles, mais bâtir sur cette formule de Georges Perros, un très bon poète de la fin du XXe siècle Le plus beau poème du monde ne sera jamais qu’un pâle reflet de ce qu’est la poésie une manière d’être, d’habiter, de s’habiter ». C’est capital. Ce que manifestent Rimbaud, de Ritsos, de Whitman…, c’est ce qui apparait dans la prise de parole que l’on appelle poème une position claire, ferme, et complexe en même temps devant le monde, devant le réel et au coeur du réel. C’est un type de rapport à l’existence, à la communauté humaine, au destin la poésie non comme un supplément d’âme, mais comme une manière d’être, d’habiter le monde, comme un positionnement du point de vue humain, c’est la définir d’emblée comme une éthique. C’est là l’enjeu essentiel définir une manière d’habiter le monde, c’est un projet politique. Hölderlin, le grand poète allemand, l’avait dit déjà dans une phrase qui porte sur l’orientation que nous donnons à la vie Nous cheminons vers le sens si nous habitons en poète sur la terre. » Or, aujourd’hui, nous faisons l’exact contraire et c’est pour cela que nous allons dans le mur, que nous allons vers une sorte de grand suicide l’avoir et le paraître Alors que signifie vivre en poète ? C’est l’exact contraire des normes de comportement qu’on nous impose actuellement. Là où la poésie est subversive, c’est qu’elle propose dans la relation à soi, dans la relation au monde, au réel le contraire de ce qui se passe aujourd’hui la marchandisation du monde occidental qui se développe partout avec la mondialisation, le déni de l’humain, en raison du primat sur l’humain de superstructures économiques, de l’idéologie tout à fait organisée et pensée. Ce qui fait que petit à petit, sans que nous nous en rendions compte, nous sommes vidés de notre poétique, c’est l’exact contraire puisque depuis toujours les poètes ne cherchent qu’à fonder dans leur parole un surcroît d’humanité. Nous connaissons la fameuse phrase de Jaurès On ne naît pas humain, on le devient ». Vivre en poète sur la terre, c’est simplement se donner pour tâche première, presqu’exclusive – c’est là l’engagement absolu du poète - de devenir plus humain et de comprendre les conditions de cet enjeu comment on devient plus qui domine aujourd’hui, c’est l’obsession de l’avoir, la prédominance de la finance, la volonté de pouvoir qui engendre la compétition et la compétitivité, les héros, être plus que les autres, c’est-à-dire la négation de l’autre. Toutes les images, les figures, les idoles qu’on présente à nos yeux et nos oreilles comme enviables, à travers les discours sur la société, nous enjoignent d’être des êtres de pouvoir, d’être toujours un peu plus que l’autre, un peu plus fort, un peu plus savant, plus expert que l’ profondeur irréductible de chaque êtreC’est ce que récuse fondamentalement tout poème, puisque toute poésie dit d’emblée la relativité de tout savoir, tout poème est l’aveu d’un savoir limité, rien n’est définitivement clos dans un savoir. Dans nos sociétés, il y a l’avoir, le pouvoir et le paraître. La valeur de l’être est définie par le paraître, par ce que l’on sait de l’image. Et l’on juge tout un chacun, toute chose, tout événement sur l’image, sur l’apparence première. Or, depuis le premier temps du premier poème, l’effort du poète, c’est de dépasser la vue première. Donc, dans une société gouvernée par la vue de surface, par l’apparence, où nous lisons le monde au faciès, où nous lisons l’autre au faciès, c’est-à-dire dans une saisie partielle, réductrice, scandaleusement mensongère du réel, dans ce monde la poésie incarne le contraire. Car tout poème cherche ce que le réel ne sert pas d’abord, n’offre pas de lui-même. Tout poème cherche à creuser, à faire apparaître la profondeur irréductible, insolvable, illimitée de chaque être, de chaque chose, de chaque geste, chaque évènement, chaque pensée, de chaque sentiment, de chaque phénomène, comme disent les philosophes. La poésie donne expansion à la chose minime, banale, triviale, la poésie revendique le droit d’y voir, d’y rencontrer, d’y explorer une infinie réalité, au-delà de l’apparence immédiate, au-delà de la définition, de la la peur de l’autre. Étreindre le mondeLe grand mal de notre temps, c’est l’obsession de la sécurité, de l’assurance, on est dans une grande peur, la peur d’être débordé dans ses frontières. Et tout est fait pour nous infliger cette peur, pour nous la transfuser. Nous avons une peur ontologique, native, première, celle de la solitude, de la perte, de l’abandon, de la catastrophe. Le bébé en fait l’expérience, au premier jour quand il est laissé seul, hors des bras du père ou de la mère, dans un lit, dans une pièce. Nous naissons avec l’appétit, comme l’enfant, de tout voir, les yeux grands ouverts, la volonté terriblement passionnée d’étreindre le monde, et en même temps avec cette peur première de la perte, de la solitude. Et il est très commode de l’exploiter, de fonder sur elle des rapports collectifs celui qui a peur est facilement asservi, par la peur elle-même, mais asservi aussi aux discours qui prétendaient le protéger du monde. Ce sont tous les discours sécuritaires. Et nous avons tous en nous une demande sécuritaire, la volonté d’être protégés du compliqué, du trouble, de l’inconnu. Nous avons très profondément cette peur en nous, en même temps que nous avons le désir du dépassement, le désir de l’autre, de la nuit, de ce qui grands processus d’asservissement se jouent à partir de cette réflexion sur la peur individuelle et comment l’ exploiter. Dans les sociétés modernes, aujourd’hui, mais aussi dans les décennies ou les siècles précédents. Cette peur première est organisée dans toute société parce qu’elle permet un pouvoir, la main mise sur les consciences, et elle a pour conséquence qu’on se protège symboliquement par ce que j’ai appelé les définitions, les catégorisations, tout ce qui immobilise, et par le souci de l’identité stable, de l’identification. On est aujourd’hui dans une névrose extrême de l’identitaire. Tout doit être associé à une définition, or "définition" veut dire exactement "limitation" le mot vient du latin fines qui veut dire frontière. Si on vous définit, on vous ferme, on vous finit, on met un contour autour de vous. Or, aujourd’hui, tout est fait pour que nous nous contentions de nos contours, nous et tout objet, toute chose. On peut très facilement définir une chose sur la première vue, sur la première conscience n’explore que dans le temps et l’attentionDe plus, nous vivons à une époque où le temps a disparu, nous sommes gouvernés par l’accélération majeure du temps – avec l’Internet, le TGV, par exemple. Or, pour aller au-delà de la surface et de la définition rapide de chaque chose et de chaque être, de la définition immédiate, consensuelle, conventionnelle, conforme - le théorème des trois "con" -, il faut obligatoirement du temps. Mais le monde de la marchandisation, le monde capitaliste, fondé sur le principe d’économie, a depuis le XIXe siècle théorisé cette abolition du temps, ce vol du temps. Le temps est la condition indispensable à "la traversée au-delà de l’apparence", c’est-à-dire l’ouverture scrutative de la conscience. Car il n’y a de conscience qui explore, qui interroge, qui ne se contente pas de la première réponse donnée par le faciès et qui développe sa question que dans le temps, que dans ce qu’on appelle très profondément l’attention. Or cette qualité humaine première, qui fonde l’humain et dont tout le monde a le partage, est aujourd’hui la plus ravagée l’ attention radicale qui engage tout l’être, qui est sans concession, c’est celle de Van Gogh devant le paysage, de Giacometti devant sa matière, de toute personne qui prend le temps de l’arrêt et de l’immobilisation de soi, qui rompt la course éternelle du geste quotidien, de ce continuum, pour y créér une brèche. Et cette brèche, c’est un appel à aller à la profondeur, qui suppose un effort, pour que se mobilise à l’extrême la combat majeur le langageTout ce que l’on peut décrire des instruments d’oppression individuelle et collective se joue essentiellement dans le langage. Il y a là un combat politique majeur. Or les premiers a avoir eu la conscience de l’oppression possible dans le langage, ce sont les poètes. La première raison de la poésie, c’est de se rebeller devant l’extrême danger du langage à enfermer, à asservir, à subordonner, à se faire l’instrument de la réduction du monde, du connu, du vécu à sa surface émergée, ce qui donne un totalitarisme la poésie permet de comprendre cela. Georges Bataille disait Nous n’aurions plus rien d’humain, si le langage en nous devenait tout à fait servile ». Odysseus Elytis, magnifique poète grec, prix Nobel de littérature, postérieur à Yannis Ritsos, le formule autrement Là où la montagne dépasse du mot qui la désigne se trouve un poète. » Là où le monde dépasse les mots qui le désignent se trouve la poésie. La poésie sert à nommer, à révéler, à faire agir, à rendre présent à la conscience, à faire apparaitre le monde dans tout ce que le langage ordinaire, normé langage, à sa naissance, porte, comme tout ce qui est humain, deux choses en même temps, son affirmation et son contraire. Imaginons l’homme qui fonde le langage, cet acte génial fondateur del’Humanité. Pour simplifier, il y a au départ articulation de quelques sons arbitraires, qui vont être isolés et attachés à l’objet, à une chose un murmure, un borborygme qui va être reconnu, identifié à la pierre, au rocher, au bâton. Pourquoi cela fonde l’humain ? Parce qu’est inventé plus que le mot la symbolisation. Ce que je dis n’est pas l’objet, mais le représente. C’est de cela que se déduit ce qui nous fait tous, la mémoire. Ce n’est que parce que je peux nommer l’absent que la mémoire apparait. Et ce n’est que parce que je peux dire l’absent, que je peux dire le passé, le futur. Avant cela, on est "le nez dans la terre", dans une relation animale, rude, sans distance, sans recul, donc sans espoir d’analyse et de compréhension au-delà de la vue et de la sensation premières. En inventant la symbolisation, l’homme invente la mémoire, l’humain, l’histoire, le passé et l’avenir. Et en inventant l’avenir, il invente le projet, une pensée qui se déplace vers l’avant. Mais avec ce langage, il invente aussi la possibilité de la préservation de l’espèce, parce que cela lui permet l’échange individuel et collectif, de s’entendre, de parler ensemble, et donc une entente commune sur le langage premier nécessaire... et réducteurMais pour que ce langage soit efficace, il est une condition absolue, nécessaire... et catastrophique. C’est qu’il soit univoque, qu’il n’y ait pas de malentendu. Le principe de ce langage premier, fondateur du collectif, est d’être réducteur je parle, je suis compris. Cela permet aujourd’hui encore à chacun d’entre nous d’agir, de prendre le train, de dire "ferme la fenêtre, la porte", etc., c’est-à-dire l’exacte nécessité quotidienne qu’on appelle le pragmatisme, l’organisation de notre champ de vie le principe de cette langue commune, réduite à des sens limités, est aussi délétère, mortifère. Parce que le mot qui est un concept, une représentation abstraite d’une chose concrète, du vécu tangible, ce mot perd la profondeur de l’expérience, l’épaisseur de la vie, la saveur, le parfum, le touché, la mémoire, l’affect, tout ce qu’il a traversé, tout ce qu’il porte en lui d’histoire humaine. Si je dis le mot "arbre", nous nous comprenons, mais le mot arbre perd tout ce que nous avons vécu, chacun, des arbres ; car chacun d’entre nous est riche de milliers d’arbres, ceux que nous avons vus, des cabanes construites, de la branche sur laquelle nous nous sommes appuyés, l’arbre taillé, le tronc sur lequel on pose son épaule. Cette infinie expérience de l’arbre est l’épaisseur du réel, sa profondeur, elle déborde du mot à chaque instant, l’homme fait de toute chose une infinie réalité, une réalité indéfinie, illimitée. Autant on a besoin des mots, autant les mots perdent l’infinie profondeur de la réalité ce que nous vivons, ce que nous pensons, ce que nous ont légué nos parents, nos grands-parents, ce que l’enfant nous a révélé, ce sont les sens agis par l’homme, ceux de notre vie, de notre liberté de faire de chaque chose le contraire de ce qu’elle est ou l’indéfini, l’imprévu de ce qu’elle est. Et ça, c’est la poésie. C’est la poésie qui dit la part de l’arbre manquante, la réalité manquante, la part manquante de la langue. C’est pour cela que depuis toujours, depuis l’aube des temps, s’est levé un poète. Le langage a été constitué, organisé et il a organisé le réel comme on le vit aujourd’hui encore dans la nécessité immédiate, univoque – qui est aussi nécessaire. Mais cela "vole le réel". Ce sentiment profond d’être frustré de la vérité du réel, nous l’éprouvons tous les jours, nous le verbalisons, dès l’enfance. Ainsi, sollicités pour formuler notre état d’âme, notre pensée, nous sommes souvent dans l’impossibilité de le faire, "nous n’avons pas les mots pour le dire". Parce que le langage ordinaire n’a comme destination et possibilité que de dire "le sens minimum intergénérationnel garanti".Bien sûr le langage premier univoque doit être transmis parce qu’il permet l’intégration sociale, mais il faudrait que dès le berceau, dès l’enfance, l’antidote soit aussi donné, le langage impossible qui, au lieu d’être monosémique - un mot un sens-, est un langage inverse, qui tient parole, qui parle, qui ne se contente pas de l’énoncé, qui porte en lui la chair et le sang de l’humain c’est la différence entre l’énoncé et la poésie, déflagration du langage, nous sauve de la normeUn langage investi de toute une expérience de vie, et pas seulement de la sienne, subjectivement, de celle de toutes les rencontres, et y compris d’expériences contradictoires à la sienne, c’est un langage neuf. C’est celui que le poète invente par des actes iconoclastes, asociaux, libertaires il va consciemment, volontairement toucher aux normes du langage, dans toutes ses composantes D’abord le poète rompt le rythme qui fonde le langage premier, il rompt le code du signal, cette carte des correspondances mot-sens, qui est un asservissement, une subordination du mot au sens prévu, organisé, légitimé. Mais qui légitime le sens d’un mot ? Si l’on peut à la rigueur pour un objet, une chose établir une correspondance, qui, pour une réalité de l’ordre de l’humain, par exemple ce qui relève du sentiment, de la pensée, qui décide du sens ? Il faut penser la constitution idéologique du lexique. Le poète touche au lexique, à la syntaxe, à la composante sonore c’est une déflagration du langage. Le poète choisit une anormalité consciente. Pourquoi ? Parce que cela nous sauve de la norme, parce que toute normalisation est oppressive, réduit le réel à la catégorie, à la déduction, à l’injonction, à la définition, à l’ poète, en créant une langue qui n’est plus monosémique mais devient polysémique, invente un objet bizarre, un langage qui n’a pas de compréhension immédiate. Ce qui nous embête bien aujourd’hui, gouvernés que nous sommes par Wall Street et autres, parce que cela veut dire du temps, une latence entre la chose prononcée et la chose comprise. Le langage ordinaire, celui du discours politique, du Journal de 20h, est compris très vite, immédiatement, et on doit comprendre très vite sinon on est "dévalorisé" dans ses capacités intellectuelles. Le poème, lui, réclame de ne pas être compris, de ne jamais être complètement compris. Le propre de la poésie, c’est de dire aussi ce qui n’est pas limité dans la compréhension, dans la saisie qu’on en a. C’est justement là que la parole est l’exacte vérité, parce que rien de ce qui fonde notre existence n’est définissable, rien n’est définitivement compris. Parce que si c’était le cas, nous n’aurions plus d’avenir. Et c’est bien ce que l’on veut nous faire croire aujourd’hui, c’est ce que le langage dominant veut nous faire croire, nous enjoint de croire. Le langage dominant est un implant permanent, qui diffuse à tout instant, tous les jours, par tous les moyens, comme jamais dans l’histoire de l’Humanité, ce qu’il faut comprendre du réel, ce qui est nécessaire d’en comprendre, codifié, légitimé nous n’avons à comprendre que parole libre libère les représentations du mondeDepuis toujours, dans toutes les communautés humaines, il y a des gens qui ont inventé un langage impossible, atypique, qui échappe à toutes les injonctions pour dire le réel, parce qu’il a cette volonté d’équivoque du sens, il conditionne une parole libre devant le réel. En poésie, on peut tout dire, je peux dire la neige est rouge et chaude, alors qu’on apprend tous qu’elle blanche et froide. Mais la réalité de la neige, c’est qu’elle est de toutes les couleurs du monde, c’est la réalité de la poète est le garant tout au long de l’histoire humaine d’une liberté insolvable, irréductible dans la langue... peu importe le législateur de la langue, les grammairiens qui existent depuis longtemps. Je me permets de faire ce que je veux avec les mots, avec les rythmes. Et cette libération de la langue a des conséquences cruciales. Car sans les poètes, la pente fatale de la normalisation, la règle des trois cons - conventionnel, consensuel, conforme - aurait dominé sans conteste. Je rappelle la phrase de Georges Bataille énoncée au début Nous n’aurions plus rien d’humain si le langage en nous devenait tout à fait servile ». Or, aujourd’hui, le langage est servile et, asservis à un langage servile, nous perdons ipso facto notre humanité… car ce qui fonde l’humain, c’est la capacité à subvertir le langage, à le libérer, parce que libérant le langage, il libère les représentations du a toujours existé à côté du langage normatif, imposé, plusieurs langages, de métiers, d’argot des rues, des langages de rébellion intuitive, implicite, populaire le principe de la poésie est dans le peuple. C’est ce qu’affirme le livre magnifique d’Eluard, Poésie involontaire et poésie intentionnelle, écrit pendant la guerre, ce qui fait sens. Dans toutes les grandes dictatures, dès l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, quand il y a un régime oppressif, ce sont les poètes qu’on met d’abord en prison ou qu’on assassine Pinochet au Chili avec Neruda et Victor Jara, Franco avec Lorca, ces hommes qui dégagent pour nous une autre compréhension du monde. Et s’il y a une autre représentation du monde, alors d’autres mondes sont que la poésie sauvera le monde » veut dire vivre dans une alerte permanente, dans une attention qui ne cesse jamais, être comme ces grands créateurs qui ont la volonté absolue de saisie de la vie, de toutes ses composantes, c’est-à-dire sans repos, sans relâchement, sans jamais trahir la vérité contradictoire, d’une complexité illimitée de la vie. Ëtre artiste jusqu’au bout des ongles. Ceci vaut pour le danseur, l’homme ou la femme de théâtre, le plasticien, etc., une sorte d’engagement très profond qui ne tiendra jamais le réel pour nous avons besoin non pas d’une petite clause de conscience, nous avons besoin de l’art, le moins récupérable, le plus radical et qui touche à l’instrument d’asservissement le plus violent et le plus partagé de la langue, au coeur de notre pensée. Si on ne pense pas le monde avec les caractéristiques culturelles intransigeantes évoquées, celles qui incarnent la poésie du jour, la rebellion devant l’univocité du sens, la volonté illimitée de récuser l’identité en tout, l’identité fermée, si nous ne prenons pas cela comme point d’appui pour penser une société viable, toutes les autres fatalités économiques, idéologiques, sociales, religieuses, vont nous ramener à des seul point d’appui universel, c’est la poésie – c’est pour cela que cela nous intéresse parce qu’elle nous rend co-humain – point d’appui irréductible de la liberté humaine. Et c’est en même temps une exigence. Le grand schéma dominant, c’est l’immobilisation de tout, des comportements dans des modèles, dans des prêts à porter, des prêts à penser réducteurs. Nous sommes dans un monde identitaire qui veut fixer la vie, qui la tue. Or il n’y a de vie que dans le mouvement et il n’y a de pensée et de pensée de la vie que dans le et synthèse Michèle KiintzLa vidéo et l’enregistrement sont disponibles ici. Url de Cerises n°312 , 27 janvier 2017

Lapoésie sauvera-t-elle le monde, cher Jean-Pierre Siméon ? En tout cas, elle essaie. Dans ce monde tenté par le repli, le certain, le fini, elle est par nature différence, altérité, polysémie, création, rébellion, liberté.
1. Composée en Didot corps 12, cette édition de [ici le titre] a été tirée à deux mille exemplaires pour l’automne [ici le millésime] sur les presses de Cheyne éditeur, au Chambon-sur-Lignon, Haute-Loire.» L’inscription figure sur la dernière page des livres de la prestigieuse collection verte deux nouveautés publiées par an. Les ouvrages sont consultables et caressables dans la librairie l’Arbre vagabond, QG du festival Lectures sous l’arbre organisé par Cheyne. Papier vergé, jaquettes élégantes et finement grenues, et le poinçon du plomb sur les pages cousues. Ce même plomb qui, pieusement mêlé à de l’antimoine, servit à Gutenberg à imprimer la première édition latine de la Bible 1453. Un bel écrin, les livres de Cheyne, mais pour quel trésor? Pour quelle parole sacrée?La suite après la publicité Les écrivains sur scène un truc de beau gosse ? 2. Dans son Panorama de la poésie française aujourd’hui», évoqué dans une précédente tribune, Jean-Michel Espitallier s’en prend à ceux pour qui la poésie serait d'abord affaire de profondeurs, parole oraculaire … forant dans l'épaisseur encrée de l’ineffable.» 3. D’où parle Jean-Michel Espitallier? D’une esthétique joueuse et expérimentale, ennemie du lyrisme forcément boursouflé, adepte de la parodie et du détournement – certaine avec Valéry que le plus profond, c’est la peau». Et d’une nébuleuse de pouvoir éditorial qui rassemble les éditeurs Al Dante et et le cipM Centre international de poésie de Marseille. A travers notamment la publication de l’anthologie Pièces détachées» du même Espitallier, en 2011 chez Pocket, et de celle d’Yves di Manno et Isabelle Garron dite anthologie Flammarion» en 2017 choix beaucoup plus vastes, mais affinités électives avec la première, cette nébuleuse a encore renforcé sa visibilité, bien supérieure à son poids réel. Dix pour cent de la poésie en France», tranche Jean-Pierre Siméon, lyrique pas bégueule, fondateur du Printemps des poètes et membre du comité éditorial de Cheyne. "La poésie sauvera le monde" et puis quoi encore?La suite après la publicité 4. Espitallier la poésie ennemie ne peut se concevoir qu'en étroite association avec de beaux livres artisanaux. … Du coup, [elle] a fini par être parfois associée à un artisanat sympathique, comme la boulangerie d'art et les tourneurs sur bois. Belle ouvrage et artisan-poète, vaguement libertaire avec collé aux basques un peu de cette terre "qui ne ment pas".» Fichtre. 5. Cheyne n’est pas un éditeur de la ruralité, s’agace Jean-François Manier, son fondateur. Ce qui nous caractérise, c’est notre indépendance. Nous lisons, nous fabriquons, nous diffusons, nous distribuons. Nous avons une complète indépendance économique, à la différence de L’Olivier Le Seuil et de [capital détenu à 88% par Gallimard, NDLR].» 6. Oui, mais tout de même. Florilège de titres du catalogue du Cheyne Venant le jour», Malgré la neige», l’Epine et sa mésange», Une femme de ferme», le Bois de hêtres», Métairie des broussailles», le Livre des poules». Florilège Al Dante la Poésie motléculaire», Gang blues ecchymoses», Meurtre artistique munitions action explosion», Frères numains discours aux classes intermédiaires», Lecture de 5 faits d’actualité par un septuagénaire bien sonné». Ce n’est pas tout à fait le même son de cloche ou de balle dum-dum. 7. Je ne sais pas trop ce que je fais ici, s’amuse la romancière Marie-Hélène Lafon, invitée du festival. Mais oui, sans doute, il existe une littérature des pays et des paysages dans laquelle je m’inscris, comme Pierre Michon, Pierre Bergounioux ou Mario Rigoni.»La suite après la publicité Haute Poésie Bisounours et autres curiosités 8. De Cheyne on connaît l’histoire, ressassée d’article en article la découverte en 1977, par Jean-François Manier et sa compagne d’alors, d’une ancienne école isolée sortant de la brume cf. José Arcadio Buendía fondant Macondo, au sortir d’un rêve, au début de Cent ans de solitude», l’apprentissage de la typographie au plomb, le lancement en 1980, sans un sou, de la maison d’édition, le pari en 1992 d’un festival sur la base d’un concept porteur mettons un poète sous un arbre… L’histoire tend à devenir story-telling et détourner de l’essentiel les livres publiés. 9. Le haut pays» de Jacques Vandenschrink est celui des vents intransigeants» et du merle goulu», des martinets cisaillant le crépuscule» et des mésanges saoulées de se décrocher en plein vol dans chaque merisier». Chez Julie Delaloye, on vit à la lisière des brumes», on entend le chant porté par la vigne», on sent la fraîcheur fidèle de l’herbe», on voit la paupière rompue du chamois». Chez Jean-Yves Masson, souvenir des vols d’abeilles», odeur des blés parfaits», cerf au regard véhément». Ce n’est qu’un échantillon, mais s’il n’y a pas là une lignée d'héritiers de Char et de Jaccottet paysage méditerranéen – plus ou moins pentu – et métaphores en rafale…La suite après la publicité Philippe Jaccottet, le très haut 10. Crypto-pétainiste, la poésie des champs, comme l’insinue taquinement Jean-Michel Espitallier? A la salle des Arts de Saint-Agrève, pas très loin du Chambon-sur-Lignon, village collectivement élevé au rang de Juste par le mémorial de Yad-Vashem, Denis Lavant a lu rauque, athlétique deux très courts textes de résistance publiés par Cheyne. Matin brun » de Franck Pavloff 1998 est une fable grinçante et drôle sur l'ascension de l'extrême-droite en France deux millions d'exemplaires vendus, grâce à une sorte d'effet Hessel – Indignez-vous» – avant la lettre. Traverser l’autoroute», de Maxime Fleury 2017, c’est un enfant devant une glissière d’autoroute, un flot de voitures, et de l’autre côté, peut-être, son père, avec qui il essaye de communiquer en langue des signes. C’est le gamin qui raconte, il parle un peu comme le Momo de Romain Gary dans la Vie devant soi» – le genre tôt grandi. Au milieu des bidons, des palettes et des parpaings, dans son campement sans eau potable, il se sent comme ces gouttes de pluie sans destin C’est comme nous, on vient de loin et on s’écrase au bord de l’autoroute.» Sur scène, Edwy Plenel l’Edwy Plenel Mediapart est partenaire du festival ponctue, prolonge. Parle des réfugiés Quand quelqu’un coule, on le sauve.», cite Péguy Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme même perverse. C'est d'avoir une âme habituée.». Se moque de lui-même Encore un prêche du père Plenel!»La suite après la publicité "Si Péguy me proposait un article pour Mediapart…" entretien avec Edwy Plenel 11. La soirée Neruda plombe un peu. Passons sur les juvéniles poèmes d’amour, dont la traduction réclamerait une langue semblable cristalline et facile à celle de cet autre poète élu des draps», Paul Éluard. Reste le Neruda politique, dessillé par la guerre d’Espagne, guéri de ses dérives gidiennes et rilkiennes», torrentiel et génial sans doute, mais stalinien sinon de cœur, du moins de style. Tu m’as fait l’adversaire du méchant, tu m’as fait mur contre le frénétique …/Tu m’as rendu indestructible car grâce à toi je ne finis plus avec moi.» A mon parti» 12. La figure du poète-phare fait rire aujourd’hui petits et grands. Mais sans doute faut-il prendre en compte les contextes historiques et locaux. J’ai grandi dans une culture où les politiques sont des poètes, où l’art oratoire est un art poétique, se souvient Edwy Plenel, qui a vécu à la Martinique jusqu’à l’âge de 10 ans. La poésie de Césaire, qui semble hermétique, complexe, est très concrète. Le matin il recevait à la mairie, à midi il partait avec son chauffeur et faisait le tour de l’île. Sa poésie est en partie nourrie de ces promenades.» 13. Nos élites hexagonales issues de l’X ou de ENA, poursuit Plenel, regardent ça avec dédain, comme si ce n’était qu’un supplément d’âme, une distraction. Leur monde est dépourvu d’imaginaire.» Il est temps de changer de sérieux», dit d’une autre façon Jean-Pierre-Siméon dans son essai la Poésie changera le monde», qui invite à dresser dans l’espace public la barricade du poème». Hmmmm. Dans son blog, l’écrivain Pierre Jourde se moque de cette doxa indéfiniment répétée depuis deux siècles, avec ses synonymes interchangeables, rébellion, insurrection, insoumission, qui trouve son apogée grotesque dans "l’Éloge des voleurs de feu" de Dominique de Villepin, le fameux marginal».La suite après la publicité L'insurrection institutionnelle, par Pierre Jourde 14. Dans son essai cependant, Siméon parle d’autre chose. D’une langue appauvrie par ses usages médiatiques et technocratiques, et d’un imaginaire devenu territoire occupé et soumis». J’en ai été témoin tant de fois la plupart de ceux qui … entendent un poème à eux offerts à l’improviste, remercient. J’ai eu le sentiment parfois qu’ils y retrouvaient une dignité et comme une fierté pour eux-mêmes.» Denis Lavant J’ai fait cinq lectures en Russie, entre Ekaterinburg et Rostov, devant un public qui considérait que la poésie avait une grande importance. En Colombie aussi, la poésie est dans la vie.» 15. Revenons au catalogue du Cheyne, qu’il serait injuste de réduire à quelques épigones d’une poésie altière qui fait sa mystérieuse. Je m’accroche à la nuit, qu’est-ce que ça veut dire?» Ito Naga est perplexe. La métaphore, ça n’est pas son truc. Lui est astrophysicien, il a d’autres motifs d’étonnement. On ne pense pas [que la lune] peut trembler au moment où on la regarde. Il y a des tremblements de lune comme il y a des tremblements de terre.» Mais l’astrophysique, dit-il, ça n’est pas ça qui permet d’être au monde. Il a placé en en-tête de son livre NGC 224» une citation de Rilke Être ici est une splendeur.» Par exemple à cet instant précis "Ah ! Tu es comme ça, toi ?", s’est étonnée cette enfant quand je suis ressorti de l’eau après un plongeon dans la piscine.» Ses petits vertiges», Ito Naga haut gentleman à l’œil bleu perché les doit aussi à sa longue fréquentation du Japon. Pour faire des raviolis, on dit en japonais qu’il faut pétrir la pâte jusqu’à ce qu’elle ait la consistance des lobes d’oreille mimi tabu. La poésie serait-elle simplement le goût des choses?» Glissements, rebondissement, dérivations avec un art consommé du montage, l’auteur coud ses fragments – bouts philosophiques, boutures de sensations, pépites philologiques, demi-blagues… Ses quatre livres sont également suite après la publicité Le long cri d'Aimé Césaire n'a pas fini de résonner 16. La métaphore, Jean-Claude Dubois ne l’aime guère non plus. Il revient de loin, du lyrisme ébouriffé du surréalisme. Et puis il a rencontré Guillevic des textes très courts, des distiques souvent, de 8 à 10 syllabes, sans images, sans clinquant, sans scintillement.» Rencontre avec une forme, mais aussi avec un alter ego solitaire, qui, enfant, communiquait avec un bol, une bouteille, une table, n’avait pas même un animal, a perçu la vie dans les pierres.» Son livre Le Canal» raconte une transaction secrète» la plus belle définition de la poésie, elle est de Jaccottet» entre un enfant et un canal. J’avais dix ou douze ans. Mon compagnon de jeu était un canal à grand gabarit. … J’écoutais le canal rendre la justice./ Quand il avait fini,/je rentrais chez moi./Il retournait dans son verre d’eau.» Dans le canal il y a des aïeux, une femme d’octobre mais on ne sait plus de quel jour … qui pose son village sur la table de nuit et s’endort.» Et puis ce canal fait de vinaigre/et d’ennuis», couleur de noyade» Cioran en exergue, il faut le quitter, s’en dépêtrer comme à regret, peut-être pour grandir. Le Canal» est tissé d’un charme douceâtre et brumeux, d’épiphanies discrètes, de désolations retenues. On songe parfois à un Christian Bobin sans Dieu. C’est dire si la voix de Jean-Claude Dubois est suite après la publicité Les bons sentiments de Christian Bobin font-ils de la bonne littérature? 17. Robert et Joséphine », de Christiane Veschambre, est un autre livre fondé sur le montage, qui évoque par séquences l’histoire des parents de l’auteure Joséphine arrive à la Jeune France», trouve une famille», va chercher son mari à la sortie de l’usine», repasse», n’a plus d’argent»… Cinéma troué de l’expérience intérieure», de l’émotion méditée» Bataille. Mais la langue est à l’opposé de l’écriture behavioriste du commun des scénarios. Il s’agit, pour l’écrivain, de faire taire en soi la belle langue» … pour qu’après le silence puisse surgir la langue des soubassements» selon Gérard Noiret sur l’excellent site En attendant Nadeau. Une basse langue», des mots pauvres» titres de deux autres recueils de Veschambre Quand Joséphine/est apparue//sur terre/personne//ne s’en est aperçu.» Chercher une basse langue pour camper les gens de peu» le sociologue Pierre Sansot, c’est en somme le contraire du projet d’un Pierre Michon. Christiane Veschambre se place du côté des microgrammes» de Robert Walser, d’Erri de Luca, d’Emily Dickinson. Les mains de Joséphine/au-dessus du drap replié/qui protège la table/et borde la page/que l’enfant tourne». Un critique ne devrait pas dire ça tout le livre est très suite après la publicité Que s'est-il passé dans la poésie française depuis un demi-siècle ? 18. Pas de tendance fracassante, de trending poetic; pas de post-liturgistes, pas de supra-spleenétiques; la poésie est devenue bien ennuyeuse. Ah si, tout de même le recueil» est à la baisse, le livre» à la hausse. Ce n’est sans doute pas juste une coquetterie de dénomination. Jean-Claude Dubois par exemple, au cours d’une causerie sur Guillevic, insistait sur la nécessité de travailler un thème jusqu’au cœur». Ito Naga et Christiane Veschambre ne diraient pas autre chose. Ce qui se joue? L’effacement relatif du livre de poésie pensé comme un florilège de flèches, d’épiphanies – loin des moments nuls» de la vie que Breton jugeait indigne de cristalliser». JB Corteggianiauteur et réalisateur
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Format: Broché Nb de pages : 281 pages Poids : 320 g Dimensions : 16cm X 24cm Date de parution : 12/05/2011 ISBN : 9-6 EAN : 9782240026996 Aux passeurs de poèmes approches multiples de la poésie conférences, témoignages, repères et ressources
Je cherche un mot vaste et chaud Comme une chambre Sonore comme une harpe Dansant comme une robe Clair comme un avril Un mot que rien n’efface Comme une empreinte dans l’écorce Un mot que le mensonge ne séduit pas Un mot pour tout dire La mort, la vie, La peur, le silence et la plainte L’invisible et le doux Et les miracles de l’été Depuis si longtemps je cherche Mais j’ai confiance en vous Il va naître de vos lèvres. Jean-Pierre Siméon Poésie 7nQ2Xg.
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